Expérimentations low tech en classe: les bienfaits (oubliés) du duo millénaire crayon-papier
Karl Janelle  1, *@  , Anne Mesny  1@  , Yves-Marie Abraham  1@  
1 : HEC Montréal  (HEC Montréal)
3000 Chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal, QC H3T 2A7 -  Canada
* : Auteur correspondant

Depuis les 20 dernières années, les établissements universitaires adaptent leurs règlements et investissent massivement pour faciliter l'introduction de nouvelles technologies de l'information (TI) dans les salles de classe, que ce soit par l'autorisation d'utiliser un ordinateur portable ou l'intégration de tableaux interactifs et de systèmes audio-visuels sophistiqués. Cela se traduit par une augmentation de la fréquence d'utilisation des TI, de la variété des formes qu'elles peuvent prendre et de la complexité de chacune de ces formes. Il n'est cependant pas clair si ces technologies contribuent activement aux apprentissages des étudiants. D'une part l'usage de diapositives et de vidéos à des fins éducatives permet de partager une plus grande variété de contenu et renforce certaines aptitudes cognitives, telles que la représentation iconique et la visualisation spatiale (Greenfield, 2009). Cette approche est particulièrement bénéfique pour les étudiants neurodivergents, comme le montre l'efficacité des livres interactifs pour garder l'attention d'élèves autistes (Carnahan et al., 2009). Il peut toutefois s'avérer plus propice de prioriser des méthodes d'apprentissage low tech telles que l'enseignement au tableau et la prise de note manuscrite, qui mettent l'accent sur l'accessibilité, la simplicité et la durabilité (Bihouix, 2014). Les étudiants peuvent certes récolter plus d'information via la prise de notes par ordinateur, mais la mémorisation et le tissage des liens entre les concepts est plus fort lorsque les notes sont prises sur papier avec un crayon (Mueller & Oppenheimer, 2014). Enfin, l'utilisation intensive de TI n'est pas sans conséquence pour les étudiants, puisqu'à long terme cela peut modifier le fonctionnement du cerveau et atrophier certaines capacités de réflexion profonde (Cavanaugh et al., 2016). En plus de révéler une ambivalence de l'impact des technologies de l'information sur les apprentissages, les études existantes ont une portée limitée, ayant été majoritairement réalisées avec des enfants ou des adolescents. Cet article cherche donc à approfondir la compréhension du potentiel d'un enseignement low tech, où l'utilisation des technologies de l'information est minimisée autant dans la salle de classe qu'à l'extérieur, en contexte universitaire.

Pour ce faire, les retour d'étudiants ayant participé à des expérimentations d'enseignement low tech réalisées dans 3 cours à HEC Montréal ont été collectées: 1) un cours de mathématiques au niveau de la classe préparatoire au Baccalauréat en administration, où les étudiants ont reçu des notes de cours en format papier et se sont vus refuser l'utilisation d'un ordinateur en classe ; 2) un cours de niveau maîtrise sur la décroissance soutenable, où les étudiants n'ont pu utiliser leur ordinateur et ont reçu chaque semaine des textes imprimés à synthétiser à la main pour le cours suivant; 3) un cours de niveau maîtrise sur l'éthique organisationnelle en lien avec le numérique où les étudiants étaient invités à mettre de côté leur téléphone cellulaire autant durant qu'entre certaines des séances de cours. Les étudiants ont par la suite rempli un questionnaire relatant leur expérience.

Les étudiants ayant pris part à ces expérimentations se sentent plus engagés et plus concentrés. De plus, lorsque l'expérience est en soi liée aux concepts et objectifs du cours, comme c'est le cas pour le cours de décroissance et le cours d'éthique organisationnelle, les étudiants s'approprient mieux ces concepts et leurs implications. En faisant directement l'expérience de séances de cours sans écran, les étudiants du cours de décroissance sentent qu'ils saisissent mieux en quoi consiste les aspects aliénants de la technologie. Les étudiants du cours d'éthique prennent quant à eux conscience de leur dépendance envers la technologie à travers le renoncement volontaire à leur téléphone cellulaire. Ces éléments contribuent à renforcer la compréhension des bénéfices de l'enseignement low techen milieu universitaire, en plus de paver la voie pour la réalisation d'autres expérimentations similaires à plus grande échelle.


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